Le pH (potentiel Hydrogène) du sol désigne l’acidité du sol. Il se mesure sur une échelle allant de 0 à 14 sans unité. Un pH < à 7 est dit acide, un pH de 7 est dit neutre et un pH > 7 est basique (ou alcalin).
- Rappel de chimie
- Qu’est ce que le pH ?
- Mesure du pH
- Pouvoir tampon du sol
- Influence du pH sur l’absorption des éléments nutritifs
- pH en fonction de la nature du sol
- Mesurer le pH chez soi
- Modifier le pH d’un sol
1. Rappel de chimie
Un petit rappel de chimie pour bien comprendre ce qu’est le pH. Les molécules (le CO2, le glucose, la lignine par exemple) qui composent la matière qui nous entoure (et nous-mêmes) sont un assemblage d’atomes. Les atomes existants sont bien connus, ils sont répertoriés dans le tableau périodique des éléments, il va s’agir du carbone noté C, de l’hydrogène H, de l’oxygène O, mais aussi des métaux (fer Fe, cuivre Cu, …) de certains gaz (hélium He,…), voir même d’éléments synthétiques (non présents dans le milieu naturel terrestre parce que pas assez stable ou trop lourd) comme l’einsteinium Es ou le curium Cm.
Les atomes sont eux-mêmes composés de neutrons et de protons, appelés nucléons, agglomérés ensemble formant le noyau de l’atome ainsi que d’un nuage électronique composé d’électrons qui gravitent autour de ce noyau. Les neutrons ont une charge électrique nulle, les protons sont positivement chargés (+) et les électrons sont négativement chargés (-) ainsi le noyau (neutron et proton) est chargé positivement. C’est cette différence de charge qui permet aux électrons de rester autour du noyau plutôt que d’être libérés et de s’éloigner du noyau : les charges + et – s’attirent.
Il y a autant de protons que d’électrons dans un atome, il est donc de charge électrique neutre. C’est le nombre de protons qui détermine les éléments chimiques, autrement dit les différents atomes. Par exemple l’hydrogène est l’atome le plus simple avec un seul proton composant son noyau et un électron qui gravite autour. Le fer a lui 26 protons et 26 électron et l’uranium en a 92 de chaque.
Cependant il peut arriver que des phénomènes retirent un ou des électrons à un atome. L’atome ainsi formé est appelé un ion. L’atome avec des électrons en moins sera donc chargé positivement, étant donné qu’il reste plus de protons que d’électrons, et sera appelé cation. A l’inverse un atome avec plus d’électrons sera chargé négativement et appelé anion. Par exemple l’ion Cuivre II est un atome de cuivre avec 2 électrons supplémentaire noté Cu2+, et l’ion chlorure noté Cl– est l’atome de chlore ayant gagné un électron.
2. Qu’est ce que le pH ?
Le potentiel Hydrogène (pH) désigne ainsi la quantité d’ion H+ (également appelé couramment proton) présent dans un milieu. Il est exprimé par le logarithme négatif de la concentration en ions H+ ce qui signifie entre autre que lorsque l’on passe d’un pH 7 à un pH 6, il y a 10 fois plus d’ions H+ . Donc un sol à pH 6 et 10 fois plus acide qu’un sol à pH 7 et un sol à pH 5 est 100 fois plus acide qu’un sol à pH 7. A l’inverse dans les pH basiques, augmenter d’un point signifie diviser par 10 le nombre d’ion H+.
La molécule d’eau H20 est composée de 2 atomes d’hydrogènes et d’un atome d’oxygène. Dans l’eau pure, quelques molécules se dissocient pour former les 2 ions H+ et OH–. Ces 2 ions sont présent en quantités égales, mais lorsque l’on ajoute un acide (il y a plusieurs définitions pour décrire ce qu’est un acide, la plus adéquate ici est : un acide est une molécule capable de libérer des protons H+, selon la définition de Bronsted) il se dissocie en H+ et Cl–, la quantité de proton augmente donc tandis que la quantité d’ions OH– va diminuer puisqu’ils vont réagir avec ces protons pour former de l’eau. Le pH va ainsi diminuer.
On peut schématiquement résumer cela :
Lorsque nous ajoutons une base (NaOH par exemple) à l’eau, la base va se dissocier libérant ainsi un ion OH–. Ces ions vont réagir avec les ions H+ pour former de l’eau et ainsi la quantité d’ion H+ va diminuer, augmentant ainsi le pH. Schématiquement cela donne :
3. Mesure du pH
Il existe plusieurs manières de mesurer le pH, certaines plus faciles et rapides (voir fin de l’article) mais moins précises que la méthode analytique beaucoup plus précise. Cette dernière consiste à faire analyser un échantillon de sol par un laboratoire qui va effectuer 2 mesures distinctes, le pH eau et le pH KCl :
- Le pH eau est une mesure qui consiste à mettre l’échantillon de terre dans de l’eau pure et d’en mesurer la quantité d’ion H+. Cette mesure permet de connaître l’acidité active c’est-à-dire le pH de la solution du sol (la partie liquide du sol) ou encore le pH réel du sol au moment de l’analyse.
- Le pH KCl consiste à ajouter du chlorure de potassium (KCl) à l’échantillon de sol. Ce sel va libérer des ions K+ qui vont prendre la place des ions H+ fixés sur les particules de sol. Cette méthode permet d’extraire tous les protons du complexe du sol (notamment le complexe argilo-humique) et donc de connaître son acidité potentielle. L’acidité potentielle est le pH le plus bas que le sol pourrait atteindre.
En fait le pH varie au cours du temps, sur une année il peut varier d’un demi-point à 1 ou 2 points. Sous climat tempéré, le pH est plus bas en été et plus élevé en hiver. Cette variation s’explique notamment par le fait qu’en hiver il y ait plus d’eau dans les sols, cette eau va « capter » les ions H+ ce qui va donc augmenter le pH. A l’inverse en été il y a moins d’eau dans les sols et donc le pH est plus bas. Ce phénomène est accentué par l’activité biologique qui est plus importante au printemps et en été qu’en hiver. Cette activité engendre la libération de plusieurs acides dans le sol (acides organiques et acides carboniques au cours de la décomposition et de la respiration ; acides humiques lors de l’humification ; acides nitriques pendant la nitrification) qui vont donc libérer des H+. A long terme sous climat tempéré humide le sol à tendance à se désaturer (il perd naturellement ses cations métalliques, notamment le Ca2+ ,par lixiviation c’est à dire qu’ils sont emportés par les eaux de pluies) et donc à s’acidifier en se chargeant en ions H+. Les sols en culture vont ainsi s’acidifier d’autant plus vite de par l’activité biologique des racines et de la microfaune et par l’utilisation d’engrais qui peuvent être acidifiants. Cette diminution de pH peut être limitée par l’apport de carbonates (de la chaux par exemple) afin de maintenir le pH à une valeur convenable pour les cultures.
4. Pouvoir tampon du sol
Le sol a donc un pouvoir tampon, c’est-à-dire qu’il est capable de limiter les variations brutales de pH. Cette capacité est due à la présence de colloïdes notamment le complexe argilo-humiques (CAH) qui adsorbent les H+. Cela signifie que les ions sont fixés à sa surface.
Lorsque la quantité de proton augmente dans le sol, une partie se fixe sur le complexe en échange de calcium par exemple. Donc plus le sol est chargé en complexe (argile ou humus), moins la variation de l’acidité active (ph eau) et de l’acidité potentielle (ph KCl) sera grande.A l’inverse lorsque la quantité de H+ diminue dans le sol, par exemple lors d’un chaulage (apport de chaux CaO), les protons sont neutralisés par les ions O2- du chaulage. Les ions Ca2+ de la chaux se fixent sur le complexe en remplaçant les ions H+ qui seront donc neutralisés. Ainsi l’acidité active et l’acidité potentielle baissent, mais proportionnellement à la quantité d’argile et d’humus présente dans le sol.
5. Influence du pH sur l’absorption des éléments nutritifs
Le pH du sol, et donc la quantité de protons présents dans le sol, influe directement sur la « place » disponible pour les autres cations sur le complexe du sol. En effet un pH bas signifie que le milieu est « inondé » de H+. Certains cations, comme le molybdène par exemple, vont dans ces conditions se fixer plus « solidement » au complexe du sol le rendant donc moins disponible pour les végétaux, les plantes risquent donc une carence (= un manque) de molybdène. A l’inverse certains éléments seront libérés du complexe et donc à l’état libre dans la solution. Il s’agit par exemple de l’aluminium ou encore du fer qui sont des éléments provoquant couramment des toxicités dans les sols acides.
Le pH va donc influencer la capacité des végétaux à absorber les éléments nutritifs présents dans le sol.
6. pH en fonction de la nature du sol
Le fait que le pH du sol dépend en partie du complexe du sol (argile et humus), va engendrer une valeur de pH variable selon la texture du sol. Pour rappel la texture est la proportion de sables, de limons et d’argiles dans le sol. Comme nous avons vu auparavant les sols argileux de part la petite taille des particules qui les composent vont avoir plus de capacité à adsorber les cations. Lors de phases d’acidifications, comme par exemple en forte activité biologique, le complexe du sol va capter les ions H+ diminuant l’acidité active. Ajoutons à cela le fait que les sols argileux retiennent l’eau qui a un effet neutralisant. Les sols argileux sont par nature le plus souvent neutre à basique.
A l’inverse les sols sableux ont peu de complexes (les particules de sables sont plus grandes, il y a donc moins de surface sur le complexe), l’ensemble des particules du sol, dont les ions OH– sont beaucoup plus sujet au lessivage et à la lixiviation (le lessivage est la perte de molécules non solubles par les eaux de pluies notamment, la lixiviation désigne le même phénomène mais pour les particules solubles, les ions entre autres). Les sols sableux sont également plus aérés que les sols argileux, l’activité biologique y est donc plus intense et l’eau y est moins facilement retenue. Ce qui fait que les sols sableux sont généralement acides.Les sols ayant une roche mère calcaire sont naturellement enrichis en carbonates CaOH. Ces derniers libérant des ions OH– dans le milieu font que les sols calcaires sont de nature basique avec des pH moyen de 8,5.
Pour un même nombre de protons les sols argileux vont pouvoir en capter beaucoup tandis que les sols sableux en captent moins, laissant des protons dans la solution du sol ce qui traduit donc un sol plus acide.
7. Mesurer le pH chez soi
Il existe 3 méthodes pour mesurer le pH du sol, chacune avec ses avantages et ses inconvénients :
- L’analyse de sol en laboratoire reste la manière la plus précise et la plus fiable pour connaître son pH. Elle permet d’avoir le pH eau et le pH KCl. Cette analyse est en général complétée par l’analyse d’autres paramètres (texture, CAH,…), mais il s’agit d’une méthode onéreuse, il faut compter une centaine d’euros pour une analyse complète.
- Le papier pH est un bon compromis précision/prix. Il s’agit de papier qui change de couleur lorsqu’on le trempe dans une boue faite avec notre terre. Selon la couleur que prend le papier, on peut avoir l’indication du pH à 1e unité près. Il faut cependant faire attention à ne pas utiliser de l’eau du robinet pour faire cette boue bien souvent calcaire, préférez de l’eau déminéralisée.
- Enfin la dernière méthode consiste à prendre un échantillon de terre et à verser dessus 1 à 2 gouttes d’acide chlorhydrique. Des versions existent avec le vinaigre mais ce dernier n’est pas un acide suffisamment fort et réagira donc moins bien. Les gouttes d’acides provoquent une réaction avec la calcaire du sol, on observera donc une ébullition plus ou moins importante selon la quantité de calcaire. Cette méthode n’est pas précise mais permet de savoir si on a un sol calcaire et donc basique. Si aucune réaction n’est observée, le sol sera donc neutre à acide. Elle a l’avantage de ne nécessiter que très peu de matériel, facilement accessible.
D’autres méthodes ingénieuses existent : créer du papier pH avec du chou D’autres méthodes ingénieuses existent : créer du papier pH avec du chou rouge, verser de la soude pour tester l’acidité (dans la même idée que le test à l’acide chlorhydrique). Mais après les avoir tester plusieurs fois sur des sols différents, ces méthodes ne montrent pas de résultats probants. Privilégiez donc les 3 méthodes citées plus haut.
8. Modifier le pH d’un sol
Il n’y a pas beaucoup de manière d’influencer le pH du sol. Pour les sols acides, il faut faire un apport de carbonates CaO afin d’augmenter le pH jusqu’aux valeurs souhaitées. Les quantités sont à calculer précisément en fonction du pouvoir neutralisant de la matière apportée. Il existe 2 sortes d’amendements, la matière crue et la matière cuite. La matière crue peut être par exemple des morceaux de roche de calcaire, il s’agit de produit brut plus ou moins broyé. Ces carbonates vont agir assez lentement, sur plusieurs années et plus la matière est broyée finement plus l’action sera rapide.
La matière cuite, comme la chaux vive, est beaucoup plus réactive et agit très rapidement, l’année même de son apport. Cependant elle sera plus sensible au lessivage et durera donc moins longtemps.
Le choix de type de matière à apporter se fait en fonction de la texture du sol. Les sols argileux sont capables de garder la matière apportée sur ses complexes et seront donc moins sensibles au lessivage. La matière cuite est bien adaptée sur ce type de sol. La matière crue quant à elle est plus adaptée pour les sols sableux qui sont très sensibles au lessivage. Elle permettra une diffusion plus lente des ions Ca2+ dans le sol. Bien sur, un mélange des deux types de matières peut être fait pour une action rapide et prolongée dans le temps, notamment sur les sols à texture intermédiaire.
Pour le problème inverse, c’est-à-dire un pH trop élevé, le seul moyen d’action est de cultiver des brassicacées (anciennement crucifères) qui vont faire réagir le soufre naturellement présent dans le sol. Cette réaction engendrera une baisse du pH du sol, pouvant atteindre jusqu’à 1 point par an. Pour ce faire, l’idéal est de semer des engrais verts hors saison de culture afin de jouer ce rôle. Ainsi il est possible de semer de la moutarde, du colza ou encore du radis fourrager pour atteindre le pH souhaité.
Bien entendu il est fortement déconseillé de faire un apport de carbonates sur les sols basiques et de planter des crucifères en trop grande quantité sur les sol acides.
Conclusion :
Afin de bien prévoir ses plantations et d’entretenir la fertilité de son sol, il est primordial de connaître son pH. Il s’agit d’un paramètre incontournable qui va orienter le type de végétaux qui pousse dans le sol et donc le type de culture à implanter. Le pH influe la biodisponibilité des éléments nutritifs pouvant engendrer des carences ou des toxicités et doit donc être maintenu dans une gamme optimale pour la culture des plantes.
Sources
Livre :
Baize D. , Guide des analyses en pédologie. 3e édition. (2018) Quae.
Soltner D. , Les bases de la production végétal. TOME 1 Le sol et son amélioration. (2017) Broché.
Liens internet :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide
https://fr.wikipedia.org/wiki/Potentiel_hydrog%C3%A8ne